19 mars 2024

Le Quiz-Entrevue

Voici une traduction d'une publication de Nat Banting sur son site ici: http://natbanting.com/the-interview-quiz/

J'adore créer des tâches curieuses pour mes élèves. J'aime anticiper leur raisonnement, observer les étapes de celui-ci, puis poser de nouvelles questions intéressantes pour soutenir leur résolution de problèmes. C'est vraiment ce qui alimente ma pratique. Honnêtement, c'est en interagissant avec les élèves que j'en redemande, jour après jour. C'est ce que j'aime le plus dans mon travail.

Je pense que c'est la raison pour laquelle j'ai toujours détesté les moments d'évaluation. Ils m'ont toujours semblé déconnectés des élèves.

Il y a quelques années, je me suis demandé à quoi cela ressemblerait si les évaluations devenaient un outil permettant aux élèves et à moi-même de partager une expérience commune au lieu d'être aux antipodes d'un quelconque continuum d'expertise. J'ai eu (et j'ai toujours) différentes itérations de l'idée, mais j'avais trois objectifs principaux :

Durabilité : Je suis occupé. J'ai essayé des choses comme les portfolios et je me suis toujours essoufflé. Il y avait tout simplement trop d'informations pour moi.
Accessibilité : Je voulais que les élèves se sentent en sécurité et qu'ils sentent qu'il ont du pouvoir par rapport au processus.
Fidélité : Je voulais que la structure d'évaluation reflète ce que je valorisais en classe. Je voulais qu'ils émettent des conjectures, qu'ils justifient, qu'ils construisent des idées, etc.

C'est à partir de ces considérations qu'est né le Quiz-Entrevue.

 

Voici comment ils fonctionnent :

Un bloc entier d'une heure est consacré à un Quiz-entrevue. Les élèves le savent. Ils reçoivent un petit questionnaire d'une page qui comprend deux types de questions. Le premier type est conçu pour encourager une pensée divergente et/ou susciter une justification. Ces questions demandent souvent aux élèves de prendre et de justifier une décision mathématique, de construire un objet selon les spécifications ou de décrire un concept de plusieurs façons. Le deuxième type de questions est de nature plus procédurale. Il demande souvent aux élèves d'effectuer un calcul précis ou d'exécuter une argumentation systématisée.

(Voici quelques exemples de ma classe: Square rootsLinear relations, and Interest calculations).

Ils remplissent le questionnaire individuellement et j'écris une série de problèmes pratiques au tableau. Lorsqu'ils ont terminé, ils remettent le quiz-entrevue et se mettent à travailler sur les problèmes. Au fur et à mesure que leurs voisins terminent, ils sont autorisés à collaborer au travail à leur bureau.

Dès que les copies commencent à arriver, je les appelle un par un et nous parlons de leur travail. Je leur demande d'approfondir leur raisonnement, de réfléchir à d'autres façons d'aborder les questions et de dissiper les malentendus. Ils repartent avec des compétences spécifiques auxquelles je souhaite qu'ils prêtent attention et une liste de problèmes pratiques susceptibles de les aider.

Je passe en revue la pile, en gardant à chaque fois le papier pour mes archives une fois l'entretien terminé. (Souvent, les élèves demandent à ce que je prenne une photo pour leur dossier).

Voici ce que j'ai remarqué :

  • La conversation autour du produit est beaucoup plus riche que l'évaluation du produit seul ne pourrait jamais l'être.
  • Le retour d'information est immédiat et, par conséquent, beaucoup plus significatif.
  • Chaque élève peut s'exprimer, ce qui est difficile à réaliser dans des classes dynamiques lorsque la résolution des problèmes se poursuit.
  • Il m'est plus facile de les convaincre que l'évaluation sert à s'améliorer ; ils se sentent plus en sécurité sur le plan académique.
  • Les élèves commencent souvent l'entretien en disant quelque chose comme : "Je sais ce que j'ai fait de mal et voici ce que je pense maintenant…"
  • La trace écrite me permet de conserver un dossier permanent de preuves pour montrer à l'élève son amélioration, justifier une éventuelle note unitaire ou montrer aux parents.
  • C'est efficace. Elle confère une nouvelle puissance à une "période de travail" ou à une "journée d'interrogation" en tant qu'artefact autonome de la classe.
  • Je ne ramène pas les copies à la maison.

Voici ce que j'ai appris :

  • J'ai beaucoup d'élèves (plus de 30 à interviewer à chaque fois). Chaque questionnaire doit porter sur quelques cibles d'apprentissage.
  • Je n'attribue pas de note et je n'en parle même pas pendant l'entretien. Nous parlons des concepts qu'ils démontrent et de ceux qu'ils doivent perfectionner.
  • Le travail en classe doit être retardé parce que vous serez occupé par l'entretien. Attribuez des problèmes qui impliquent un concept de la semaine dernière.
  • Sachez quelles cibles vous recherchez. Parfois, je les écris sur mon bureau et je les pointe directement pendant que nous discutons. (J'utilise des énoncés du type "Je peux...". Des choses comme : "Je peux reconnaître et créer des dénominateurs communs afin d'additionner des fractions", etc.)
  • Organisez les questionnaires par élève. Cette année, je les ai organisés moi-même, mais mon objectif pour l'année prochaine est de donner à chaque élève un classeur et de lui demander de "classer" ses quiz-entrevues pour moi après notre discussion.
  • Assurez-vous de discuter avec les élèves avec lesquels vous savez que vous devez discuter. Un peu d'intentionnalité ne fait pas de mal.

 

Les journées d'entretien peuvent être frénétiques, car je fais la course contre la montre pour parler à chaque élève, mais les conversations sont devenues l'épine dorsale de ma classe. Jamais auparavant une structure d'évaluation n'avait été mieux alignée sur la façon dont l'enseignement est dispensé dans ma classe.

Je suppose que l'essentiel est là : Je n'ai jamais autant parlé à mes élèves de leurs mathématiques et c'est déjà une victoire.

Question: À quelle fréquence fais-tu cela ?

Réponse: J'aime vérifier de cette manière tous les 4 à 5 jours. Je segmente les résultats d'apprentissage en affirmations "je peux" et chaque quiz-entrevue est ciblé sur 1 ou 2 de ces affirmations.

Question: Fais-tu un autre type d'évaluation à la fin d'une unité, d'un cycle ou d'un cours ?

Réponse: À la fin d'une unité, nous faisons la même chose (mais en plus long). Le premier jour est divisé en trois parties. A) Ils forment des groupes aléatoires et résolvent un problème par groupes de trois. B) Ils reçoivent une feuille sur laquelle ils notent l'activité de leur groupe. C) Une partie individuelle, écrite. Le jour 2 est consacré à des entretiens sur les parties du jour précédent.

Oups, j'ai oublié ...

En lisant le blogue de mon ami Nat Banting, je suis tombé sur une routine mathématique fort intéressante: "Oups j'ai oublié" ou OJO pour faire plus court. Fawn Nguyen en a aussi parlé sur Twitter:

Ce qui fait de "Oups, j'ai oublié…" une excellente routine selon Nat:


Elle fonctionne dans tous les domaines. Mes routines préférées sont celles qui peuvent être largement adaptées pour aborder de nombreux résultats mathématiques. Vous pouvez oublier des détails essentiels sur l'algèbre, les nombres, les probabilités, la géométrie, etc. etc. etc. Tout ce que vous voulez, je l'oublie !


Cela fonctionne pour tous les niveaux scolaires. En général, la mise en scène devient plus transparente à mesure que l'on avance dans les classes, mais j'ai réussi à faire illusion dans une salle remplie de chercheurs en enseignement des mathématiques et de mathématiciens de recherche à l'Institut Fields en 2020. (La vidéo de la conférence se trouve sur ce lien. Faites défiler jusqu'à 28:15 pour voir la mise en scène).


L'apprenant n'est jamais à blâmer. Ce n'est à cent pour cent pas leur faute si le problème s'est transformé. En fait, les élèves adorent soudainement discuter de la façon dont leurs stratégies ont été ruinées parce que c'était hors de leur contrôle. Le blâme est détourné vers la tâche elle-même ou vers l'enseignant. Je porte cette affliction de tout mon cœur, mais je trouve que le fait de jouer la comédie et l'incompétence à parts égales, satisfait généralement leur dégoût.


Accentue la flexibilité mathématique. Les routines sont conçues pour apporter une once de familiarité dans la classe ; cependant, toute routine risque de devenir un rituel. C'est, pour moi, le piège des routines en classe : si elles deviennent trop familières, elles deviennent mécaniques. L'OJO attire l'attention sur les différences et les moyens de les aborder. Elle favorise naturellement une attitude ouverte et flexible face à ce qui est mathématiquement possible.

C'est Fawn qui le dit.

La structure de la routine

Une OJO contient 2 parties: un lancement et une liste.

Le lancement est le point de départ de la routine. Plus le lancement est général, plus il est possible de modifier les choses au fur et à mesure du déroulement de la routine. Généralement, le lancement est assez exigeant en soi, demandant aux élèves de construire ou de concevoir un objet mathématique (pensez au niveau "création" de Bloom's). Étant donné que les mathématiques s'enrichissent avec la discussion, j'aime que les élèves soient répartis en groupes de trois pour le lancement.

La liste est une série de changements par rapport au lancement, dont on se souvient facilement au fur et à mesure que la routine se déroule. J'aime générer ces changements en anticipant les stratégies possibles des élèves, puis en me demandant quelle nouvelle difficulté les obligerait à s'adapter. Je fais attention à ne pas déplacer le problème trop ou trop rapidement. Cela créerait un sentiment de turbulence pour les apprenants qui cherchent encore à s'orienter. J'attends que les idées, les stratégies et les arguments se répandent dans la salle avant de prendre la parole et de partager ce "Oups, j'ai oublié…". Je demande souvent aux élèves de partager leurs réponses ou de faire une promenade dans la classe avant que la liste ne soit employée. De cette façon, nous honorons la pensée avant de leur demander de la réaffirmer.

Soyez courageux. Il m'arrive souvent de penser à de nouvelles choses qui ne figuraient pas sur ma liste initiale, ou bien les élèves suggèrent ce qu'ils pensent être la prochaine étape. N'ayez pas peur de vous écarter de votre liste. Ce confort fait partie du processus qui consiste à s'éloigner de la routine et à se diriger vers un enseignement "dans le moment".

Quelques exemples

Lancement: Deux amis se partagent un biscuit. Quelle quantité chacun des amis recevra-t-il ?

Liste:

  • OJO, Je voulais dire qu'il y a trois amis
  • OJO, il y a en fait quatre amis
  • OJO, vous avez apporté deux biscuits à partager

Lancement : Construisez trois fractions différentes qui sont entre zéro et une demie.

Liste :

OJO, elles ne peuvent pas avoir un numérateur de un.
OJO, elles doivent toutes avoir des dénominateurs impairs
OJO, elles ne peuvent pas être réduites


Lancement : Cinq amis partent en voyage dans une voiture à cinq places. De combien de façons peuvent-ils choisir les sièges pour leur voyage ?

Liste :

OJO, Alex a besoin de s'asseoir à côté de Keaton.
OJO, Keaton a besoin d'un siège côté fenêtre
OJO, Alex n'a pas de permis de conduire.

(Cette article est une traduction des propos de Nat Banting)

Partager mais pas à n'importe quel prix !

Je remarque depuis l'avènement des nombreuses pages Facebook en lien avec l'enseignement des mathématiques toutes sortes de partage: les gens demandent souvent des tâches d'évaluation du type "Avez-vous une CD1 qui traite des solides, des fonctions et de la relation de Pythagore" par exemple. La motivation première n'étant pas l'apprentissage mais bien l'évaluation. Également, il y a les "modes" qui passent souvent rapidement. Je parle entre autre des Doodle Notes. Je me suis déjà prononcé sur cet élément et je n'y reviendrai pas. Et depuis l'année dernière, une belle initiative du GRMS avec sa session de création où l'association invite des enseignantes et enseignants à venir créer pendant 2 jours. Une initiative qui est vraiment intéressante ou l'on se prépare avant de se rencontrer pour créer.

Depuis 22 ans que je partage ce que je fais à travers ce site web. Les présentations lors de mes formations sont toujours disponibles. En devenant Desmos Fellow j'ai décidé de prendre de mon temps personnel avec l'aide entre autre de Frédéric Ouellet, Guy Gervais, Mélanie Boucher, Annie Fillion, Stéphanie Rioux, François Pomerleau et Stéphanie Boucher pour la traduction des activités de Desmos en français et disponibles sur le site desmosfr.ca. Il est important pour moi de partager les bonnes idées. Et de collaborer avec des collègues pour le bien de l'ensemble de la communauté mathématique, c'est ce qui fait la force de la communauté.

Cependant, je ne crois pas au partage à tout prix. Je crois qu'il faut être critique sur ce qui est partagé sur les réseaux. Certains diront que lorsque l'on voit quelque chose qui ne fait pas notre affaire nous pourrions seulement passer. Ce n'est pas mon avis. Il est de notre devoir à tous de dire de la bonne façon lorsqu'une activité ou un document ne tient pas la route selon nous et en expliquer les raisons. Une démarche constructive dans le but d'avoir une discussion honnête sur l'activité ou le document.

J'invite les gens à partager sans retenue. Mais je crois qu'il faut être prêt à faire face à la critique constructive, aux changements possibles, aux améliorations. Je suis le premier à accepter qu'on critique ce que je fais. Je me remets constamment en question. Je n'ai certainement pas la vérité absolue mais j'ai une opinion, certains diront que j'en ai trop. Probablement que ma passion de l'enseignement des mathématiques est un peu intense. Je suis prêt à vivre avec cette passion qui m'habite et qui fait en sorte à l'occasion que cela puisse donner des débats un peu plus houleux.

Journée thématique AQUOPS 2018 - Outils de création d’activités mathématiques

DESCRIPTIF

Il existe très peu d’outils permettant de créer des tâches mathématiques stimulantes, permettant la collaboration, la résolution de problèmes et favorisant la communication entre les élèves tout en étant dans un contexte technologique. Ce qui est souvent proposé ressemble plus à plusieurs exercices semblables les uns aux autres. Est-ce possible d’aller plus loin? Nous vous invitons à découvrir comment bâtir des activités mathématiques qui permettront aux élèves d’utiliser la technologie tant au primaire qu’au secondaire. Les outils explorés lors de cette journée seront Desmos Activity Builder, Geogebra, Dudamath et Scratch. À travers l’utilisation de ces outils, les participants pourront entre autres : observer les critères à respecter pour la création d’activités; planifier et construire une séquence d’apprentissage; évaluer les avantages et inconvénients des différents outils selon les besoins de la situation d’apprentissage à mettre en place; tenter de prendre le rôle de l’élève en mode apprentissage et déterminer la place de ces outils de création en évaluation.

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