Les prévisions météorologiques
Voici une capsule de Cédric Villani, gagnant de la médaille Fields (équivalent du prix Nobel des mathématiques) en 2011.
En cette période de Noël 2011, les prévisions météorologiques sont au coeur des discussions : prévisions à court terme pour savoir s'il gèlera demain, à plus long terme pour planifier ses vacances, mais aussi à très, très long terme pour estimer la gravité du réchauffement climatique.
On peut, de plus en plus, faire confiance à ces simulations. A court ou à long terme, la qualité et la fiabilité des prévisions a beaucoup augmenté au cours des 20 dernières années. A l'origine de ce progrès, il y a des ordinateurs plus puissants, une collecte de données bien plus exhaustive, mais tout cela ne serait d'aucune utilité sans les modèles mathématiques.
C'est bien en équations mathématiques que sont posés tous les grands modèles de la mécanique des fluides, cette science qui cherche à prédire l'évolution des caractéristiques d'un gaz ou d'un liquide en fonction du temps et de la position. Et ces équations ne sont pas simples : on les considère avec un respect mêlé de crainte, aussi bien chez les mathématiciens que chez les physiciens, météorologues et ingénieurs.
Cette approche mathématique date du dix-huitième siècle. C'est à cette époque que l'on se lance sérieusement dans l’aventure : mettre en équations, pour le rendre accessible à l'esprit humain, le mouvement tumultueux des fluides.
A la pointe de ce combat, on trouve le français Jean-Baptiste d'Alembert, tout à la fois philosophe encyclopédiste, physicien et mathématicien, et le suisse Leonhard Euler, le plus puissant mathématicien de son temps, ou peut-être de tous les temps ! Sa fameuse "équation d'Euler", découverte en 1755, décrit un fluide parfait, de température et densité constantes, et sans frottement. Un progrès phénoménal qui laissait encore de nombreuses zones d'ombre. Ainsi, on dit que quand l'Académie des Sciences demanda
aux scientifiques d'expliquer le vol des oiseaux, la seule contribution rigoureuse fut celle de d'Alembert, qui démontra par un argument apparemment sans faille que les oiseaux ne peuvent pas voler !
Il fallut attendre près d'un siècle pour résoudre le paradoxe, avec les équations de Navier et Stokes, qui en tenant compte des frottements internes au fluide, rendent bien mieux compte de la réalité. Aujourd'hui, on utilise ces équations pour analyser non seulement le vol des oiseaux, mais aussi la turbulence dans les rivières, l'écoulement du sang dans les vaisseaux ou des gaz dans les circuits des moteurs, et bien sur l'écoulement des masses d'air et des océans
dans les prédictions météorologiques, en tenant compte de la rotation de la Terre, des continents, des échanges thermiques, et d'innombrables autres paramètres.
La mécanique des fluides est un domaine ou les énigmes théoriques abondent, comme la mystérieuse turbulence. Et puis, le Clay Mathematics Institute offre un million de dollars à quiconque prouvera que les solutions de l'équation de Navier-Stokes ne conduisent pas spontanément à un évènement catastrophique, comme une vitesse qui devient infinie.
C'est bien un signe qu'il reste tant à comprendre des phénomènes les plus familiers !